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Dorothée Gilbert - Briser Un Tabou

02 05 2024

Après avoir commencé la danse au Conservatoire de Toulouse, à l’âge de sept ans, Dorothée Gilbert intègre l’École de danse de l’Opéra de Paris en 1995. En 2000, à 17 ans, Dorothée Gilbert est engagée dans le corps de ballet, où elle connaît une ascension rapide et devient Étoile le 19 novembre 2007 à l’âge de 24 ans.

Dans le monde du ballet, les langues se délient pour évoquer le tabou des blessures. Dorothée Gilbert, Étoile de l’Opéra de Paris, en sait quelque chose puisque dans un passé récent, elle a cru devenirà jamais la « danseuse au pied troué. »

Si grâce à son « tempérament de guerrière », elle a pu surmonter les difficultés à l’école de danse de l’Opéra, l’une des plus exigeantes au monde, Dorothée Gilbert a failli à 24 ans voir sa carrière s’arrêter net en raison d’une blessure qui l’a paralysée pendant six mois.Dans son livre ”Etoile(s) – Dorothée Gilbert” aux Editions du Cherche Midi, elle raconte comment un examen révèle un « trou dans le pied, fracture de fatigue du deuxième métatarse, ce petit os carré à la base de l’orteil ».

« Du jour au lendemain, tout s’arrête. On se dit pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Commeles sportifs de haut niveau, on pousse notre corpsà l’extrême. » 

Il est vrai que les danseurs grandissent inconsciemment avec l’adage « no pain, no gain »(on n’a rien sans rien). La superstar russe Natalia Osipova confiait que les danseurs « se retiennent » malgré la douleur, évoquant même une superstition :« Si on en parle, ça va empirer. »

« DU JOUR AU LENDEMAIN, TOUT S’ARRÊTE (…) COMME LES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU, ON POUSSE NOTRE CORPS À L’EXTRÊME. »

D’autres ont peur de passer pour des faibles ou de manquer des occasions de distribution et d’engagement.

« C’est un peu la politique de l’autruche, on ne veutpas en parler, car on ne veut pas le voir, on n’a pas envie d’être blessé », affirme Dorothée Gilbert.Mais selon elle, « la blessure, la récupération, l’hygiène sont des sujets de plus en plus présents. Entre nous, on en parle, on se dit : “Tiens, cette machine pour masser les muscles, elle est top, je vais l’essayer.”Il faut en parler pour apprendre de nos erreurs. »

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Pendant son court mandat en 2015 comme directeur de la danse à l’Opéra, Benjamin Millepied a mené une petite révolution en introduisant une unité médicale permanente au palais Garnier. Il reste que les danseurs sont moins chouchoutés que les sportifs, selon Dorothée Gilbert : « Les footballeurs ont tout un système de kinés et après le match, ils se font directement traiter. »

Soigner et prévenir « est une éducation qu’on n’a pas forcément eue, mais qu’on apprend sur le tas », précise celle qui fait notamment du yoga et de la gyrotonic sur des machines.

Signe que les temps changent, Steven McRae, danseur du Royal Ballet de Londres souvent blessé, se confie régulièrement sur ses chirurgies, et dans son ouvrage «Dancing to the edge and back» (2017), l’Américain David Hallberg, évoque longuement une blessure qui l’a éloigné de la scène pendant deux ans. 

Dorothée Gilbert veut encourager la jeune génération de danseurs à se battre et à ne pas avoir honte de ses blessures. 

Crédits photo : James Bort

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