Peter Lewton - Ne Pas Fuir la Douleur Mais L’écouter !
14 05 2024
Danseur et professeur, Peter Lewton est également ostéopathe et enseigne le Pilates. Depuis 2005, il est membre du bureau de direction de l’Association Internationale de Danse Médecine et Sciences (IADMS) et en 2015 il crée le Pôle Santé du PNSD Rosella Hightower.
Peter Lewton, qui pratiquait adolescent la compétition de ski de haut niveau, est incité par son entraîneur à faire de la danse, une bonne technique de préparation. C’est donc seulement à 16 ans que le jeune homme découvre un monde qu’il ignorait jusque-là, et tout alors se précipite.
Il entre à la School of American Ballet de New York, alors sous la houlette de George Balanchine et compte, parmi ses condisciples, Rudolf Noureev ! Deux ans suffisent pour faire de Lewton un danseur opérationnel, qui se produira bientôt dans le cadre des Chicago City Ballet, Los Angeles Ballet ou encore comme étoile à Lisbonne. Mais à l’âge de 22 ans, à force de trop solliciter son corps, des blessures chroniques aux genoux hypothèquent l’avenir du danseur : « Un médecin m’a alors affirmé que c’était fini. Heureusement W.G. Hamilton, un médecin qui est toujours de mes amis, m’a conseillé de corriger ma technique. J’ai alors fait une rencontre décisive : la grande pédagogue Margaret Craske. » Avec sa méthode, dite « Cecchetti », elle permet au jeune danseur de comprendre ce qui est devenu son credo : « Quand la biomécanique est juste, l’esthétique est magnifique. Mais il faut comprendre le corps pour mieux danser. Car les blessures chroniques reviendront exactement de la même façon si on ne change pas sa façon de danser. »
Blessures et lésions n’affectent pas que le corps. « Elles ont un impact décisif sur le mental. Balanchine répétait souvent qu’un danseur blessé n’existe pas. Ce qu’il voulait dire par là, ce n’est pas que les danseurs ne se blessent jamais mais qu’un danseur blessé se remet en question et qu’il se questionne alors sur son identité : “Qui suis-je quand je ne danse pas ? Qui suis-je ?” »
Pour Peter Lewton, ces remises en question ne peuvent être que bénéfiques. « La douleur est un grand professeur. Elle nous apprend à écouter notre corps, elle nous apprend nos limites et comment les dépasser ou les gérer harmonieusement. Lorsqu’on essaye un nouvel enchaînement ou une nouvelle posture et que la douleur apparaît, c’est pour nous inciter à la prudence, pour nous faire comprendre qu’il faut commencer doucement et ne pas pousser notre corps à bout tout de suite. » L’élément extérieur qui conditionne la bonne gestion du corps du danseur ? « Le sol ! Le sol est fondamental. Avec la température, on peut s’adapter mais avec un mauvais sol, il ne sera jamais possible de faire quoi que ce soit et d’être au maximum de ses possibilités. Ou alors en prenant des risques inconsidérés. Pour moi, le sol est véritablement un outil chorégraphique. Non seulement esthétique mais aussi physique. Il conditionne répétitions et représentations. »
Mais attention, car trop de confort peut aussi engendrer plus de blessures : « Si le danseur s’estime très en confiance car il se sent dans un environnement parfaitement adapté, il aura tendance à repousser ses limites et à prendre plus de risques… et donc à soumettre son corps à plus d’efforts, multipliant ainsi les possibilités de se blesser. Dans ces cas-là, il ne faut pas forcément écouter son intuition mais son corps. C’est lui qui sait et c’est lui qui alerte. Il ne faut pas fuir la douleur mais l’écouter ! »