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« De toute façon, on ne peut pas danser sans douleur », Mathilde Monnier

29 05 2024

Mathilde Monnier, née à Mulhouse, est une chorégraphe française de danse contemporaine. Directrice pendant vingt ans du Centre chorégraphique national de Montpellier, elle est nommée, fin 2013, à la tête du Centre national de la danse à Pantin. Elle reprend sa liberté en 2019 et investit un lieu à Montpellier, La Menuiserie, où elle continue à créer ses chorégraphies.

« Mais, ajoute-t-elle, les danseurs ont peut-être plus que d’autres une résistance à la douleur. Ils ont tellement l’habitude d’avoir mal qu’ils ne savent pas jusqu’où ils peuvent aller et quand s’arrêter ! »Cela dit, elle rappelle que la situation a beaucoup évolué. Lésions et blessures était un sujet dont on ne parlait pas. La souffrance du danseur était un tabou qui n’était jamais ni évoqué, ni pris en compte. Paradoxalement, pour une discipline fondamentalement physique, le corps a longtemps été comme gommé et mis entre parenthèses. Ainsi, il y a encore 30 ans, les congés de maternité n’existaient pas pour les danseuses qui devaient « se débrouiller » pour gérer leur agenda et leurs revenus au moment d’accoucher. Et aucune compagnie n’avait l’idée d’avoir un médecin attitré. De plus, kinésithérapeutes, ostéopathes, acuponcteurs et praticiens de médecines douces étaient, de fait, moins nombreux et leurs pratiques moins répandues.

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« La situation a commencé à changer dans les années 90, note Mathilde Monnier. L’impulsion est venue des Américains sans doute plus attentifs au corps. On a commencé d’abord à s’intéresser à la façon dont s’organise le mouvement et, du coup, à être beaucoup plus vigilant en termes de prévention. »Les compagnies ont commencé également à se rendre compte des dégâts que pouvait causer une lésion même légère. « Car même après la convalescence, même après une blessure minime, quand on croit avoir entièrement récupéré, le corps se ferme, il a peur. C’est là que d’autres blessures sont possibles car le corps est tendu. Ainsi, on peut se blesser de nouveau car on a peur de se blesser. Cela peut être un cercle vicieux ! »

L’impact du sol est fondamental car sa nature joue sur le dos, les mollets et les genoux du danseur. Invitée récemment à Taipei pour y donner une série d’ateliers, Mathilde Monnier a dû forcer les organisateurs à changer de salle car le sol, trop dur, empêchait tout travail et mettait en péril la santé des élèves : « Un mauvais sol est non seulement dangereux mais il peut aussi réduire de 50% les capacités de travail d’un danseur. »

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« Un mauvais sol est non seulement dangereux mais il peut aussi réduire de 50% les capacités de travail d’un danseur. »

Pour prévenir et réduire le plus possible les risques de lésions, Mathilde Monnier a toujours préconisé, outre un entraînement régulier, de travailler la tonicité plutôt que la souplesse. « Et puis, ne pas pousser le corps à bout. Les danseurs n’ont parfois pas le sens des limites et veulent toujours aller plus loin. Il faut toujours leur rappeler qu’il est plus sage de rester dans un effort qu’on maîtrise plutôt que de prendre des risques inconsidérés. »

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