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« La force du sport, c’est d’être collé à la société » Rencontre avec Dominique Hervieu

04 08 2022

Après dix ans à la tête de la Maison de la Danse et de la Biennale de la Danse de Lyon, Dominique Hervieu s’est envolée pour la belle aventure des Jeux Olympiques où elle est la directrice de la Culture du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. 

Dominique Hervieu portrait home
Retour sur le passé

De ses 10 ans passés à la Maison de la Danse, une de ses plus grandes fiertés est le projet un peu fou de Babel 8.3. Un spectacle monté avec 300 amateurs lyonnais de tout âge – de 4 à 95 ans ! « Encadrés par 10 chorégraphes professionnels, raconte Dominique Hervieu, ces amateurs, avec leurs pratiques, leurs styles de danse, de musique et leurs savoirs ont vraiment construit ce spectacle, créant ainsi une œuvre cohérente à l’écriture plurielle. Pendant toute l’année 2014/2015, les participants ont vécu intensément au rythme de la création artistique et de ses enjeux. Le résultat aurait pu se contenter d’être sympathique et consensuel. Or, il a été bouleversant. Jamais, peut-être, on n’aura mieux compris combien la danse, lorsqu’elle est vécue et transmise avec une telle générosité, est un langage universel. » 

Une autre de ses fiertés a été de faire évoluer la Maison de la Danse qui était essentiellement une maison de diffusion vers une maison de création en lui permettant de développer ses propres productions.  

« Et n’oublions pas les Ateliers de la Danse qui, même si leur format a beaucoup évolué depuis le lancement du projet, vont finir par exister puisqu’ils devraient être inaugurés fin 2025. Tant pis si ce n’est pas moi qui suis aux manettes, je n’ai pas d’état d’âme. J’aurais fait le plus dur ! L’objectif n’est pas d’être là mais que les Ateliers existent ! »

Quant à la Biennale de la Danse 2023, dont Dominique Hervieu aura été responsable de 75% de la programmation, elle a voulu que les artistes montrent comment leur travail peut s’étendre à d’autres domaines comme l’inclusion mais aussi la performance ou les arts plastiques. Les formats seront donc tous très différents. En matière de lieu (salle classique / usine / friche industrielle) mais aussi de durée, de 12 minutes ou de 3 heures ce qui est très inhabituel.

Aujourd’hui et demain

Mais Dominique Hervieu n’est pas du genre à s’éterniser sur le passé. En poste depuis relativement peu de temps, elle est déjà complétement investie dans sa nouvelle mission.

Avec une surprise en arrivant : une formidable énergie collective. « Quand je suis arrivée, j’ai vu que toutes les institutions culturelles, grandes et petites, étaient en train de préparer déjà des projets pour les JO. Toutes jouent avec l’idée du sport et des valeurs olympiques qui sont très belles. Des valeurs humanistes d’inclusion, de diversité culturelle et de respect. Ça a été une bonne nouvelle. Mais la meilleure nouvelle, c’est que toutes ces énergies sont mises en commun dans un espace vraiment partagé ! »

« Faire dialoguer sport et culture devient évident à partir du moment où on comprend à quel point le sport irrigue toute la société. Il y aura d’abord bien sûr des événements directement reliés au sport comme l’exposition organisée par le Musée national de l’histoire de l’immigration. Ou celle, dans l’Est parisien, sur le thème de l’éducation populaire et comment elle a pu favoriser la naissance de grands sportifs. A travers le prisme du sport, on peut raconter le monde. Ailleurs encore, la thématique va être la mode et le sport : « Aujourd’hui, les codes se mélangent et on peut très bien porter le costume d’un grand couturier avec des baskets ! Ça ne choque personne, s’amuse Dominique Hervieu. La force du sport, c’est justement d’être totalement collé à la société. Toutes les grandes questions s’y retrouvent : le racisme, la parité, la technologie, la santé, la géopolitique… Les grands moments d’émancipation sont aussi liés au sport. Par exemple lorsque Cathy Freeman, une athlète aborigène, remporte l’or sur l’épreuve du 400 mètres aux Jeux Olympiques de Sydney et fait le tour du stade avec le drapeau australien et le drapeau aborigène pour faire reconnaître ses origines. Chaque fois, le sport est là pour accompagner, voire même déclencher, les grands moments de la société. »

Le Hip-Hop à l’honneur

Et la danse, alors, dont le lien avec le sport paraît si évident ? « Bien sûr, avec le corps en mouvement, il y a un lien direct avec le sport même si, dans le cas de la danse, le geste est plus né de l’imagination que dans l’objectif d’une performance. Cela dit, le travail sur le corps, la recherche perpétuelle de la virtuosité et la beauté même du geste sont évidemment des éléments qui créent un espace commun entre la danse et le sport. »

D’ailleurs, Dominique Hervieu se réjouit que le Breakdance soit reconnu comme une discipline olympique. « C’est la discipline la plus virtuose dans le monde du Hip-Hop. Elle se passe entièrement au sol, elle est extrêmement codifiée et possède la dimension physique la plus poussée. Les compétitions auront lieu Place de la Concorde. C’est vraiment le signe d’une très grande reconnaissance puisque c’est un lieu prestigieux au cœur de Paris. Cela va assurer une très grande visibilité. »

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Place de la Concorde

Evidemment qui danse au sol dit sol de danse ! « Pour toutes les pratiques du Hip-Hop, le tapis de danse est essentiel. Mais pas que pour le Hip-Hop ! D’ailleurs, pour avoir été danseuse en tournée pendant plus de quinze ans, je me souviens que la première chose que nous faisions lorsque nous arrivions dans un théâtre, c’était d’aller toucher le sol de danse. Parce que lorsque le danseur découvre qu’il y a un tapis de très haute qualité, il sait que l’on prend soin de lui et il est heureux et rassuré. C’est le premier partenaire du danseur. C’est le sol de danse qui permet que le danseur se sente bien et puisse donner le meilleur de lui-même. En plus, c’est quelque chose de très sensuel. J’ai toujours dansé pieds nus et j’avais besoin de sentir cette douceur et cette fermeté sous mes pieds ! »

Ne quittons pas le monde du Hip-Hop car il sera aussi présent même là où on l’attend moins : dans un opéra de Vivaldi, L’Olimpiade, qui, en son temps, fut un énorme succès et qui croise sport et histoire de cœur. « Comment gagner l’amour et gagner sa médaille… tout un programme ! s’esclaffe Dominique Hervieu. Ça n’a pas pris une ride ! Si la musique est assurée par l’ensemble Matheus sous la direction de Jean-Christophe Spinosi, les récitatifs seront pris en charge par des slammeurs et des rappeurs. Un mélange de genre qui me va parfaitement ! »

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Biennale de la Danse
Pratiques amateures 

Bien sûr, les amateurs auxquels Dominique Hervieu est si sensible ne seront pas oubliés dans cette constellation d’événements. Citons notamment le Pentathlon des Muses à Versailles, une compétition dans 5 disciplines – l’Architecture, la Musique, la Peinture, la Poésie et la Littérature -ouverte à tous et qui permettra aussi aux participants de découvrir le château et les jardins. Les 4 grands musées nationaux que sont Beaubourg, le Louvre, Orsay et le Quai Branly organisent également une compétition amateure pour désigner des champions… de l’histoire de l’Art ! 

Le 7ème art sera également de la fête sous plusieurs formes puisque le cinéma et les Jeux Olympiques modernes sont nés presque la même année, respectivement en 1895 et en 1896.

« En tout cas, reprend Dominique Hervieu, l’Olympiade culturelle ne sera pas un simple catalogue d’activités culturelles mises bout à bout. La force de la France est de vouloir marier plaisir et sens. Il ne s’agit pas de collectionner les événements pour en faire plus que le voisin ! L’idée est vraiment de créer une émulation qui fait sens autour des Jeux Olympiques avec une dimension collective et participative. J’ai voulu éviter de faire un festival de plus. Et plutôt demandé aux artistes et institutions d’inventer des manières de mettre en valeur les liens entre art, spectacles et valeurs olympiques : excellence, universalisme, inclusion, partage et dialogue des cultures. Il s’agit donc de montrer l’excellence de notre création pour présenter au monde la vision française de Jeux Olympiques. »

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